Monter un projet : avis, conseils

[-kyria-]

Bonsoir,

J'aimerais monter un projet d'expression à destination des personnes Ftx, mtx, et des personnes non binaires. Seulement, je ne sais pas trop comment m'y prendre, car :
- je ne sais pas comment contextualiser mon projet afin que mes questions ne soient prises comme étant déplacées ;
- je ne sais pas sous quelle forme restituer les réponses apportées, c'est-à-dire le projet en lui-même (de l'auto édition via KDP d'Amazon ? un livre libre de droit via Framasoft ? un PDF circulant par des biais associatifs, sur des groupes Fb, et pouvant être repris sur des sites ?)
- je ne sais pas via quel.s réseau.x solliciter à distance des participants succeptibles d'être intéressés par mon projet ;

Bref, pourriez-vous m'aider à avancer svp concernant ces trois problématiques ? Je vous poste le projet en question ci-dessous.

[-kyria-]

Votre parcours :

1. votre processus de catégorisation

a) Avant que vous n'ayez connaissance des termes appropriés pour désigner votre ressenti et avant que vous ne vous engagiez dans les différentes étapes de votre parcours de transition (sociale - administrative - médicale), les catégories extérieures faisaient-elles sens pour vous ou est-ce que ce sont les relations sociales qui vous rappelaient à la réalité (je pense au moment de l'enfance, de l'adolescence, voire au début de votre âge adulte si vous n'aviez pas la possibilité de vous vêtir comme cela vous convenait) ?
[A indiquer : à quelle étape de votre vie avez-vous appris qu'il existait des mots pour désigner cette inadéquation ? Est-ce qu'avant cela, vous osiez (et pouviez) être vous-même (vêtements, attitude) ? Ainsi, dans quelle mesure avez-vous dû transitioner socialement ?]

b) Avez-vous un besoin de ré-analyse systématique, pour argumenter, en vous, votre sentiment de ne pas correspondre à votre sexe/genre à partir duquel on vous a identifié à l'origine, et pour justifier ainsi le fait de ne pas avoir un corps ni des normes extérieures vous reflétant ? [Il s'agit de pouvoir mieux rendre compte dans quelle mesure votre processus de catégorisation, par la description que vous en faites, est similaire en partie ou pas à celui des personnes autistes.
Et concernant les personnes qui seraient "uniquement" non-binaires (sans transidentité associée), j'aimerais tenter de voir (en fonction de la période où cette forme d'acquisition se produit) si tant un acquis comme "la déconstruction" qu'une réflexion propre menée de soi-même sur la société sont susceptibles de conduire leur processus de catégorisation à différer de celui de la majorité - avec, donc, pour elles aussi une ré-analyse systématique qui se rapprocherait de celle des personnes autistes.]

Si vous ne ressent(i)ez pas le besoin d'argumenter en vous votre sentiment d'inadéquation, comment faites/faisiez-vous alors pour canaliser, pour gérer votre mal-être ?

Est-ce que ce trait cognitif (l'analyse systématiquement - que l'on retrouve aussi dans l'autisme), porte en vous sur le genre et le corps uniquement, ou bien s'agit-il de votre fonctionnement global, au quotidien ? Est-ce un trait de vous-même qui a toujours autant fait partie de vous, ou bien est-ce un trait cognitif qui s'est progressivement renforcé du fait de votre sentiment d'inadéquation (comme s'il s'agissait d'un fonctionnement, d'une manière de fonctionner acquise suite à une habituation consécutive de possibles justifications intérieures) ?

2) A quel moment avez-vous débuté votre parcours de transition (social, administratif, médical) en "sortant du placard" *, et comment avez-vous obtenu la légitimité nécessaire pour initier et avancer dans ce parcours (ex. conseils auprès de personnes queer concernées, d'associations et/ou de pro ; diagnostic de dysphorie ; obtention de l'ALD désormais dépsychiatrisée de transidentité ; etc.) ?
[* sortie du placard = coming out]

3) Si une neuro-atypie fait également partie de vous, de votre personnalité (comme un TSA p.ex), comment les particularités dues à celle-ci influencent-elles, possiblement, la manière dont vous ressentez et/ou la façon dont vous réfléchissez, et, de ce fait, votre attitude au quotidien ?

4) [Si vous êtes porteur d'une neuro-atypie] Considérez-vous que votre étiquette (votre neuro-atypie) a pu vous porter préjudice à un moment donné, dans votre parcours de transition, pour avancer, ou bien votre mal-être et votre identité ont-ils toujours été respectés dès la reconnaissance officielle de votre dysphorie (attestation de dysphorie ; ALD hors liste, c'est-à-dire dépsychiatrisée) ?

5) Tant tout au long de votre vie qu'avec le moment de césure avant/après diagnostic, quelles relations avec le corps médical avez-vous connu ?

6) Depuis votre diagnostic de dysphorie et sa reconnaissance par une ALD hors liste (dépsychiatrisée), avez-vous l'impression de pouvoir être maître de votre parcours de transition (médical notamment) ?

Où en êtes vous dans votre parcours de transition (notamment au niveau médical) ?

7) A l'heure actuelle, comment concevez-vous votre corps, votre sexualité, et possiblement vos relations de couple ? Est-ce que les évolutions dans la façon dont vous percevez et considérez votre corps ont eu des répercussions sur votre sexualité voire sur vos relations de couple ? [Me concernant, l'évolution dans ma façon de percevoir mon corps m'a amené à concevoir mon corps sexué actuel et donc la sexualité différemment. Et étant donné qu'il s'agit d'un effet non seulement auquel je ne m'attendais pas du tout, mais qui est en plus assez peu abordé par la littérature *, j'aimerais recueillir vos descriptions, vos témoignages, pour que les personnes qui débutent une transition médicale puissent s'attendre à ce genre de répercussions.]
[* Voici le seul article, uniquement factuel, que j'ai pu trouver sur la question : https://scholar.google.com/ ]

8) A l'heure d'aujourd'hui, est-ce qu'adopter des positions physiques liées à votre genre de naissance (p.ex adopter une légère cambrure par mégarde) vous renvoie toujours à votre corps d'origine ?
Est-ce que certains gestes ou actes sont susceptibles de raviver systématiquement votre dysphorie (ex. caresses sur les cuisses) ou un certain malaise corporel (ex. frottis alors que vous ne voulez pas d'un corps ni d'actes liés au corps féminin) ?

9) [Pour les personnes qui ont choisi de transitioner hormonalement.]
Comment vous projetez-vous dans l'avenir en sachant que votre corps va évoluer sans avoir de certitudes concernant ces changements ? Et de ce fait, comment faites-vous pour imaginer quel pourrait être votre parcours de vie, votre futur ? Par exemple, prenez-vous en considération le fait qu'un physique indifférencié puisse gêner les autres lorsque vous tentez de vous projeter professionnellement ? Parvenez-vous à vous projetez dans une vie de couple sans être capable d'imaginer précisément votre future anatomie ?

10) Arrivez-vous à concevoir, avec certitude, que votre dysphorie puisse disparaître complètement ?

Si vous avez transitioné médicalement, et que cette transition est aujourd'hui achevée (plus d'évolutions auxquelles s'attendre ni de volonté de changements), est-ce que vous appréhendez un retour de votre corps dysphorique (p.ex pour les personnes FtX l'appréhension que des formes féminines reviennent) ?

Si vous considérez votre transition médicale comme achevée, ressentez-vous encore un surnagement de votre dysphorie d'origine ou bien vivez-vous désormais en permanence avec un corps sans dysphorie ? [Étant FtX en transition hormonale, la projection dans corps sans dysphorie correspond pour moi à un corps que je ressentirais comme non typé, comme indifférencié, et, de ce fait, comme conséquemment dénué de dysphorie.]

[A indiquer : quelle a été la progression dans la réduction de votre mal-être corporel (s'est-elle plutôt faite par étapes ; ou plutôt progressivement ; ou bien un peu les deux à la fois) ? Décrire les changements remarqués au fur et à mesure de votre parcours de transition tels que le soulagement possible de votre dysphorie du fait de l'adoption d'un bon passing, l'évolution ressentie grâce à la testostérone (évolution évidemment progressive mais globalisante corporelle), le changement apporté par la mastectomie, l'influence possible du regard des autres, etc.]

10) A l'heure actuellement, assumez-vous extérieurement ce qui vous constitue ou préférez-vous minimiser le risque d'être perçu ouvertement comme trop déviant.
[A préciser :
- Portez-vous des éléments vestimentaires qui laisseraient deviner votre non-binarité ?
- Vous autorisez-vous à vivre pleinement vos émotions et votre personnalité ou préférez-vous faire profil bas (p.ex. en ne parlant pas trop ; en retenant une gestuelle susceptible de vous trahir ; en ne pas laissant pas apparaître d'expression évocatrice sur votre figure qui permettraient de vous caractériser) ?]

11) Quels sont les aspects de votre vie, que vous définiriez comme constitutifs de vous, et qui vous permettent de vous épanouir ?
[Par exemple me concernant :
- émotions, vision du monde, respect de toutes les formes de sensibilité, décatégorisation entre les êtres vivants que je m'autorise à vivre pleinement => véganisme, sentience et écologie
- échapper à toute forme de catégorisation binaire, ne pas devoir correspondre à une norme majoritaire, pouvoir vivre autrement, sans devoir répondre à des normes et des attentes qui ne correspondent pas aux miennes
- donner la possibilité à chacun d'effectuer librement de propres choix, et non influencer dans une voie]

[John]

Ça ressemble à un sujet de recherche. Quelle est la finalité ?
En l'état, ça semble demander beaucoup de temps et de concentration pour pouvoir répondre à toutes les questions.

[-kyria-]

Salut John,

La finalité serait de faire un livre collectif :
- soit en auto édition
- soit publié uniquement sur internet avec une licence créative common
- soit en format PDF (mais si je parvenais à rassembler des participants, je préférais l'une des deux premières possibilités)

Le livre serait destiné aux personnes en transition ou l'ayant achevé, aux personnes en questionnements, et aux assos qui accepteraient le livre. Les but seraient de permettre aux personnes concernées de recréer une (autre) normalité, partagée entre elles - plus ou moins - et de permettre aux personnes souhaitant transitioner d'inscrire leur propre parcours/vécu dans des normes alternatives ainsi partagées. (Je suis moi-même en transition médicale)

[-kyria-]

Peut-être qu'une sorte "d'anthologie" serait adaptée au fait qu'il y ait ainsi plusieurs questions (les personnes ftx mtx nb pourraient ainsi répondre seulement aux questions qui leur parlent le plus)...? Cela pourrait permettrait de trouver peut-être plus facilement des personnes intéressées. Qu'en penses tu, toi ? Aurais tu des conseils à me donner pour que le projet soit jouable ?

[Lero]

Salut, bravo pour l’initiative. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de réflexion et de travail derrière ton écrit. J’ai toutefois du mal à me représenter Ce que va donner le travail terminé.
Dans le contenu, j’ai deux questions :
–j’entends souvent dire en ce moment que certaines personnes non binaire ne sont pas transgenres. À mon sens, mais on a pas tous la même définition peut-être, une personne transe genre Est une personne qui, à un moment dans sa vie, a ressenti une dysphorie et c’est ce qui la pousse à vouloir transitionner. Donc, toujours d’après ce que je comprends et ressens, une personne qui ne ressens pas de dysphorie de genre n’aurait pas besoin de faire de transition. J’aimerais sincèrement mieux comprendre cette situation. Ce n’est pas du tout du jugement. Seulement de la méconnaissance.
–Tu compare l’autisme et la non bina Riter. N’étant pas non binaire, je ne comprends pas bien le rapport entre les deux. Pourquoi particulièrement l’autisme plutôt que n’importe quel handicap si vraiment on veut comparer ?Personnellement, je suis non-voyant et je retrouve beaucoup de situations similaires entre ma transe identité et ma c’e Cécité. Est-ce que des personnes qui ne sont pas atteintes de handicap peuvent comprendre cette comparaison ? Encore une fois, je me questionne. Je ne juge pas. La différence est parfois subtile à l’écrit.
Bonne chance pour ton projet.
PS : désolé s’il y a des fautes dans mon message. Je ne les voit pas toujours avec la reconnaissance vocale.

[-kyria-]

Bonsoir Lero,

Merci pour ton retour et toutes tes remarques ! Même si c'est apparemment contesté, dans les deux asso dont je fais partie, nous considérons qu'une personne trans peut aussi être non binaire. En fait, la non binarité n'est pas forcément associée à la transidentité. Mais comme mon projet est destiné aux personnes Ftx, Mtx et non binaires je voulais surtout ajuster la focale sur le flou, sur le brouillage des frontières binaires, c'est-à-dire le fait que selon moi il est illusoire de croire en l'existence d'une limite nette qui séparerait tant le corps d'un homme que celui d'une femme et de même concernant l'identité de genre.

[l'identité de genre n'est pas forcément associée à la transidentité : il est possible d'être non binaire sans être trans]

[-kyria-]

Concernant la distinction entre dysphorie et transidentité :

- la dysphorie = le mal-être ressenti (inadéquation au niveau du corps) : on ne se représente pas / on ne se projette pas tel que l'on est pourtant. (Moi j'ai toujours par moment, mais c'était encore plus vrai avant, envie de m'extraire de mon corps tellement cette sensation est insupportable.)

- la transidentité = c'est être tel que l'on se ressent. On est trans tant lorsque l'on ressent de la dysphorie que même une fois notre parcours de transition achevé (mais ce parcours peut il vraiment être un jour achevé ou y aura t il toujours des gens auprès desquels nous ne serons pas reconnus, voire un malaise psycho-physique - au moins de fond - qui persiste ?).

[-kyria-]

Il faudrait que je développe plus cette comparaison avec l'autisme. En fait, je voulais dire que les personnes ayant un trouble du spectre autistique ne prennent pas de raccourci, elles réanalysent systématiquement chaque situation puisqu'elles percoivent toutes les nouveautés de chaque situation qui se présentent. Cela concerne toutes les dimensions de leur vie.
Et je voulais savoir, si les personnes ftx, mtx et non binaires réanalysent (puisqu'elles se sentent concernées) chaque situation qui les touchent, pour se protéger, pour les mettre à distance en rationalisant l'absurdité des normes extérieures ou de certains comportements, certaines injustices.

Merci vraiment pour tes questions Lero, car elles me permettent de voir ce qu'il faudrait préciser et ce qui pourrait être intéressant de mettre en avant. C'est vraiment gentil à toi d'avoir pris le temps de développer autant ton message !!!

[Lero]

De rien. N’hésite pas