Salut
@Msora !
Msora a écrit : ↑25 mars 2025 13:05
Je n'ai pas eu de nouvelle jusqu'à aujourd'hui (donc 2 mois après) où j'ai reçu ce mail :
"Bonjour,
Afin de poursuivre l’instruction de votre dossier, je vous remercie de bien vouloir me faire parvenir par courrier des photographies retraçant votre évolution physique.
Bonne journée"
Je trouve ça inadmissible de demander des photos "retraçant une évolution physique" ça implique donc de leur montrer des photos pré-transition !
Je pourrais ne pas en avoir, ou alors je pourrais n'avoir pas du tout changé physiquement, cela invaliderait-il ma demande ?!
On peut aussi ajouter que la photo plutôt récente de ma carte d'ID devrait suffire, j'ai une barbe dessus ! ça devrait convenir pour leur prouver que physiquement j'appartiens au bon genre. Je trouve leur demande particulièrement discriminante, et je ne compte pas leur donner de photos supplémentaires ....
Maintenant reste à savoir comment formuler tout ça pour bien leur faire comprendre
J'ai cru lire sur le forum qu'ils n'avaient pas le droit de réclamer de photos mais je n'arrive pas à trouver d'article de loi qui le mentionne, auriez-vous des liens svp ?
C'est effectivement abusé !
En France, la loi ne prévoit aucune obligation de fournir des photos pour prouver son identité de genre. Les textes de loi stipulent bien que "
Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande" (
Source Art. 61-6 du Code Civil). Donc partant de ça, juger sur l'apparence physique constitue une discrimination et un abus. (Sans compter
l'Article 225-1 du Code Pénal : "
Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur sexe, [...] de leur apparence physique, [...] de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre [...].") Le/la juge ne peut pas (ou, en tout cas au regard de la loi, ne devrait pas) se baser sur un critère physique / d'évolution physique pour rendre son verdict. En réclamant des photos "d'évolution", c'est pourtant ce qu'iel fait.
Le
site du Service Public indique ça :
Il n'est pas nécessaire de suivre un traitement médical ou d'avoir subi une opération chirurgicale ou une stérilisation pour demander la modification de la mention du sexe à l'état civil. Votre demande ne peut pas être refusée en l'absence de ces éléments.
[...]
Vous devez joindre à votre demande tous les éléments de preuve qui justifient votre demande de changement de sexe à l'état civil.
La preuve peut être apportée par tous moyens : attestation écrite, SMS, courrier électronique, capture d'écran, photographie…
Exemple :
Témoignage d'un proche, attestation d'une structure publique ou associative, document administratif reprenant la civilité demandée, carte de transport, carte de membre d’une association sportive ou culturelle indiquant la civilité correspondante au sexe demandé.
Si vous l'estimez utile, vous pouvez joindre des éléments médicaux à votre demande. Toutefois, ces éléments médicaux ne sont pas exigés.
Les photos sont mentionnées comme
pouvant faire office de preuve, mais ne sont en aucun cas une obligation. Ça reste un exemple parmi d'autres pour les personnes faisant une demande de CSEC / CEC.
L'ancien ministre de la Justice Jean-Jacques URVOAS précise dans
la circulaire du 10 mai 2017 de présentation des dispositions de l’article 56 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (NOR : JUSC1709389C) que :
A ce titre, l’article 61-5 du code civil dresse une liste, indicative et non exhaustive, de faits dont la preuve peut être rapportée par tous moyens. [...] Le premier critère énoncé par l’article 61-5 du code civil a trait à l’identité de genre vécue, tandis que le deuxième révèle la dimension sociale de son appartenance au sexe revendiqué. Ils peuvent l’un comme l’autre être prouvés par les témoignages de personnes avec ou sans lien d’alliance, de parenté, d’affection ou de subordination avec le demandeur, par tout écrit, photographie permettant d’établir que la personne se présente sous l’identité de genre revendiquée.
Encore une fois l'usage de photo reste optionnel et indicatif. Et il n'est nullement question de "prouver" une évolution physique (puisque de toute façon un THS ne constitue pas une obligation).
Tu peux aussi ajouter que le Défenseur des droits, dans son avis
MLD-MSP-2016-164 du 24 juin 2016, indique que :
L’exigence d’avoir adapté son comportement social au sexe revendiqué ou d’être connu dans le sexe revendiqué risque de faire l’objet d’une évaluation et d’une interprétation variables de la part de l’autorité judiciaire ou administrative. Qu’est-ce qu’un comportement social d’homme ou de femme ? Existe-t-il des standards sur les caractéristiques physiques de chacun.e ? De telles exigences risquent d’entériner les stéréotypes de genre que le Défenseur des droits a pour mission de combattre et d’entrainer des refus au motif que la personne ne serait pas suffisamment « femme » ou « homme » sur la base de perceptions relevant de l’ordre des préjugés. ».
Aussi, demander de fournir plusieurs photos, dont certaines pré-transition, constitue une atteinte au droit à la vie privée de chaque individu au regard de
l’article 8 de la Convention de sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Sinon, on n'est pas sur quelque chose de contraignant juridiquement parlant pour les juges mais tu peux aussi citer le
principe n°3 de Yogyakarta (série de principes juridiques portant sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre) :
Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Les personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre jouiront d’une capacité juridique dans tous les aspects de leur vie. L’orientation sexuelle et l’identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l’identité de genre d’une personne. Personne ne sera soumis à de la pression pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre.
Les États devront :
[...]
B. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour respecter pleinement et reconnaître légalement l’identité de genre telle que chacun l’a définie pour soi-même;
C. Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour assurer l’existence de procédures par lesquelles tous les documents émis par l’État indiquant l’identité de genre d’une personne — y compris les certificats de naissance, les passeports, les registres électoraux et d’autres documents — reflètent l’identité de genre profonde telle que définie par chacun pour soi-même;
D. Garantir que de telles procédures soient efficaces, équitables et non discriminatoires, et qu’elles respectent la dignité et la vie privée de la personne concernée;
On est encore sur quelque chose qui indique qu'une reconnaissance légale de l’identité de genre ne peut (ou ne devrait) pas être conditionnée à des preuves visuelles et que la procédure doit respecter la personne, sa dignité et sa vie privé.
Si jamais, ça pourrait être utile de te mettre en lien avec des asso' ou le Défenseur des Droits au cas où.
En tout cas, bon courage !