Vous et votre identité - Construction de soi

[Mathieu593]

Bonsoir les loulous,

Voilà je voulais aborder un sujet particulier avec vous : l'après-transition et la (re)construction de soi.

J'ai commencé mon traitement hormonal en juin 2011 et je suis donc à presque 6 années d'injections de testo. J'ai passé les caps du psy, de l'endoc, de la chirurgie, du tribunal pour enfin être Mathieu aux yeux de la loi et un homme aux yeux des passants. Je suis plutôt satisfait de mon apparence.

De mes 18 à mes 23 ans, mon seul but dans ma vie était ce changement "devenir physiquement un homme". Je suis passé évidemment par des moments très difficiles à vouloir me supprimer ayant toujours eu un léger côté dépressif mais je tenais sachant qu'un jour je serai enfin reconnu aux yeux des autres en tant qu'homme. Puis ce jour est arrivé. Et depuis plus rien. Plus d'objectifs, un grand vide. Je me suis coupé de toutes et de tous avant et durant ma transition par protection.

De plus, il persiste en moi une gêne quasi permanente. Impossible de me retrouver dans un groupe et notamment avec des hommes. J'ai cette peur constante que les autres découvrent que je ne suis pas un homme cis. Paradoxalement, le peu de personnes qui ont croisées mon chemin, j'ai fini par les mettre au courant car il m'est impossible d'être réellement moi-même si je ne fais pas part de ma transidentité.

Je suis incapable de mettre les mots justes sur ce que je ressens mais je pensais que la transition allait me faire revivre mais finalement non.

Bien sûr quel bonheur d'être enfin reconnu en tant qu'homme et de ne plus avoir à se justifier auprès d'inconnus, mais je n'ai jamais réussi à reconstruire ma vie.

C'est comme si ma transidentité m'avait tout pris et que je n'avais jamais su me construire une nouvelle identité. Je suis sans arrêt en train de sur-jouer histoire de me rassurer sur ma masculinité pour compenser un pénis que je n'ai pas (et dont je ne veux pas en fait).

Bref, j'avoue être bourré de contradictions mais j'aimerais vos témoignages. Merci par avance

[mystère]

Je sais que pour ma part je me sentais mal aussi pendant la relativement courte période où j'ai surjoué.
Tu parles de te construire une nouvelle identité, pourquoi ne pas être qui tu es tout simplement ?
Tu n'as rien à prouver à personne, à quoi bon chercher à se conformer à un modèle qui ne te convient pas forcément ?
Il existe plein de manières différentes d'être un homme.
Bien sûr, il y aura toujours des gens qui viendront brandir des stéréotypes, mais ces stéréotypes sont dérisoires face à la diversité des personnalités, des sensibilités.
Je ne sais pas si ma réponse va t'être très utile. Etre moi-même et me sentir bien se situe au-delà de la notion de genre pour moi. C'est une question de regard porté sur le monde et de mode de relation aux autres. La transition n'y a, finalement rien changé. Que je sois perçu M ou F, j'ai toujours la même manière de voir les choses et les mêmes choses sont importantes à mes yeux. Je me sens autant en décalage avec la plupart des hommes qu'avec la plupart des femmes. Je suis toujours perçu comme quelqu'un qui ne rentre pas trop dans les cases et j'ai de moins en moins envie de faire des efforts pour donner l'impression d'y rentrer. Pour quoi faire ? Ca ne me rendra pas plus heureux, autant être moi-même.
Comme tu as commencé ta transition très jeune, peut-être que tu ne t'es jamais laissé le temps de te découvrir qui tu étais en tant que personne finalement. Quand on est dans la pression constante de devoir prouver son identité à tout le monde, y compris à soi-même, ce n'est pas forcément évident. Peut-être qu'il faut juste arriver à te laisser aller et à faire ce que tu aimes, à te laisser vivre, sans te mettre la pression pour te demander à quelle sauce les gens vont te manger ?

[Mathieu593]

Mystère,

Merci pour cette jolie réponse pleine de bon sens. Je suis d'accord avec toi sur l'ensemble

Disons qu'au delà de ma transidentité, il est vrai que je cumule les différences et j'ai de plus en plus de mal à me conformer à tout ce qui m'entoure sauf que je m'y confronte seulement que récemment. Je traverse un peu une crise existentielle et je suis en recherche de moi même

Sauf que des fois, il est vrai qu'on a tendance à tout mettre sur le dos de la transidentité (c'est un peu mon tort). Etre soi même c'est la vraie question, au delà des cases.

Merci en tout cas pour ta réponse elle m'a apporté du réconfort ^^

[Kaghan]

Ta transidentité c'est un trait de ce que tu es, pas la globalité. Tu es vraiment tout seul ? Créer un projet, quelque chose que tu aimes, ça peut te faire du bien, te donner une raison de te lever le matin et d'avancer. Et ça peut-être l'occasion de te refaire un bon entourage.

[PauSG]

j'ai fini par les mettre au courant car il m'est impossible d'être réellement moi-même si je ne fais pas part de ma transidentité.

Je me reconnais totalement dans cette phrase. C'est vrai que les premières années de transition, pour moi l'objectif était d'être perçu au masculin et de pouvoir vivre au masculin dans toutes les sections de ma vie.

Une fois cet "objectif" atteint, je me suis rendu compte aussi que je ne pouvais pas lier des relations fortes si les gens ne savaient pas que j'étais trans. Par exemple, dans mon travail, je l'ai dit à certains collègues avec qui je m'entends bien, sinon pour moi ça aurait été impossible de passer de la relation de collègue à ami, et ça serai rester une relation très superficielle.

Pour moi, ce qui aide aussi beaucoup, c'est d'avoir des mecs trans dans mon entourage. Je trouve que c'est très relaxant d'être avec des mecs qui comprennent ce qu'on vit (ou ce qu'on a vécu). Parce que les potes cis, aussi cools et ouverts soient ils, ne sont juste pas passés par une transition. Tu as déjà pensé aller voir dans une asso?

Je pense aussi que pour pas mal d'entre nous, la transition bouffe un temps et une énergie dingue pendant des années, et du coup quand on arrive au bout des démarches qu'on voulait entreprendre, ça laisse un sacré vide. Est ce que tu as des hobbies/activités que tu aimais bien ado que tu aurais laissé tomber?

[Mathieu593]

@Kaghan : Oui effectivement ce n'est qu'un trait comme tu dis mais j'ai encore trop tendance à en faire le centre de ma vie étant donné le combat qu'il a fallu mener En gros ça maintenait mon énergie au top malgré les coups dur.
Pour la solitude, disons que j'ai mes parents et mon ex qui est devenue ma meilleure amie par la force des choses. Le reste de mes relations est entièrement virtuel. Dans ma ville, j'avais tenté le bénévolat et club de Kayak mais de toute façon, j'ai toujours besoin de passer d'une activité à l'autre. Je m'ennuie au bout de deux mois.

@PauSG : Oui je suis allé en asso sur Lille à une époque mais j'ai du arrêté car n'étant pas de Lille, je n'arrivais pas à faire coincider les horaires avec le boulot que j'avais à l'époque et depuis ce sont des soucis de transport Mais c'était vachement sympa en tout cas.

Pour ce qui est projet / hobbies, je suis un grand instable donc je ne me fixe jamais nul part et par conséquent les relations sorties du cadre ne fonctionnent pas en fait d'où le retour toujours à la solitude.

Mais comme je suis assez hippie dans ma manière d'être, j'envisage de quitter mon appartement pour voyager en van quelques mois. J'envisage aussi de reprendre mes études à distance de psychologie car j'ai toujours rêvé de devenir psy

Après pour ce qui est du rapport à mon identité et à mon corps en règle générale, il est vrai que je n'arrive pas encore à être bien dans ma peau. J'ai toujours cette impression de cacher quelque chose, c'est vraiment pénible.

[esquare]

Je me permet de faire remonter ce sujet pour pas créer un autre topic.
La première phrase écrite par Mathieu me parlant bien : l'après-transition et la (re)construction de soi. =)
Je cherche d'autre témoignages de ce type. Dans le sens des gens qui on "fini" leur transition depuis un moment. Comment ils le vivent, se sentent, sont-ils satisfait de leurs parcours et de ce que cela à pu leur amener.

De mon coté ça va bien faire 9 ans que tout à débuté, si je réfléchi à quand j'ai entamé mes premières démarches.
6 ans que j'ai fait mes opérations et changé mes papiers.
Et....
Ma vie continue, mais j'aurais du mal à dire que je suis heureux. Je fais avec et ce que j'ai pu changer.
Pas tellement satisfait du résultat, mais bon, avec la matière de départ ^^.
C'est du moins pire et la pilule parait plus facile à avaler au quotidien.
Je n’arrête pas de me dire que les choses auraient été tellement plus simple si j'avais été un mec cis.
Relation amical, famille, étude, boulot, confiance en soit, émancipation, sexualité, interaction avec les autres et j'en passe.
Franchement ils savent pas la chance qu'ils ont ^^. Même si être cis ne mets pas à l’abri de tout, ca aide sur des tas choses qu'ils ne conscientise pas du tout.
Ma vie aurait été complètement différente. C'est stupide, je sais. Je ne pourrais jamais changer cette donne là.
Ca me saoule de consacrer une énergie considérable à me maintenir à flot et trouver des raisons de me lever.

Bref, plutôt que de m'étaler sur du négatif, j'aimerai bien lire le vécu d'autres personnes qui on fini leurs transition et ce fameux après.

[Foxtrot]

Je n’arrête pas de me dire que les choses auraient été tellement plus simple si j'avais été un mec cis.
Relation amical, famille, étude, boulot, confiance en soit, émancipation, sexualité, interaction avec les autres et j'en passe.
Franchement ils savent pas la chance qu'ils ont ^^. Même si être cis ne mets pas à l’abri de tout, ca aide sur des tas choses qu'ils ne conscientise pas du tout.
Ma vie aurait été complètement différente. C'est stupide, je sais. Je ne pourrais jamais changer cette donne là.

Je ressens parfois la même chose.
Quand je suis dans le tram et que je vois des garçons de mon âge (23) qui me ressemblent un peu physiquement, qui sont bien habillés etc...ou même ceux qui ne me ressemblent pas du tout mais que je remarque. Je me dis parfois "à quoi bon tous ces efforts ? Toutes complications ? Au niveau administratif ? Au niveau social? Au niveau familial, voir intime? A quoi bon d'angoisser pour des papiers, pour sa santé, je ne serai jamais un mec cis. Ils auront toujours un truc en plus, aussi stupide que cela paraît. "
Quand j'étais petit, et que je jouais à certains jeux vidéo, j'avais l'habitude d'arrêter ma progression, en mi-chemin de l'intrigue principale, pour effacer et recommencer du début. Ainsi je pouvais tout avoir comme je le voulais et tout était plus facile parce que je connaissais le jeu, je savais ce qui allait se passer, etc...
J'aurais voulu pouvoir faire ça. Recommencer en étant un mec cis, vivre une vie de petit garçon puis d'ado normal. Jusqu'à preuve du contraire, je ne peux pas...
Toujours est il qu'en étant en plein milieu de transition, je me sens déjà plus confiant et plus heureux et ouvert sur le monde qui m'entoure. C'est par périodes. J'ai hâte de voir aussi si il y a d'autres témoignages de gens plus avancés que moi.

[Goldorak]

Je réagis aux 2 derniers témoignages..moi je transitionne a 48 ans et je n envie personne..parce que j ai passé toutes ces années à croire qu il n y avait pas d issue, et le fait de pouvoir le faire me rend HEUREUX chaque jour , chaque instant..Tout est relatif..pensez seulement qu il y a des pays, des cultures qui ne nous donneraient pas la chance de vivre cette transformation !! Alors oui c est dur, oui c est long, mais au moins ça existe !!!

[esquare]

J'aurais voulu pouvoir faire ça. Recommencer en étant un mec cis, vivre une vie de petit garçon puis d'ado normal. Jusqu'à preuve du contraire, je ne peux pas..

Ha si il pouvait y avoir une fonction reset
Ca serait super.