Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Relations sociales, acceptation, coming-out...
Apeiron
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par Apeiron » 22 févr. 2019 12:18

Bonjour Queerqueer,

Il y a quelque chose qui m'interpelle dans tes messages, c'est l'idée selon laquelle éventuellement transitionner (partiellement ou totalement)pour être reconnu plus comme femme que comme homme serait une manière pour toi de rétablir un équilibre dans ton sentiment d'androgynie.

Je comprends vraiment très bien ce sentiment car j'ai transitionné aussi pour rétablir cet équilibre dû à une ambivalence que j'ai toujours porté en moi (j'ai toujours été androgyne même enfant car je suis naturellement androgyne) et tordre le cou au malaise d'être vu comme une femme (d'ailleurs je trouve que l'identité féminine est beaucoup plus déterminante que l'identité masculine. Un homme -biologique- peut incarner de multiples dimensions alors qu'une femme est d'abord spécifiée par le fait qu'elle soit femme) : j'ai essayé de vivre avec mon sexe/genre attribué à la naissance mais pour moi c'était impossible car la dimension féminine était justement trop déterminée par l'aspect social et biologique et on me ramenait toujours à ma féminité.
Mais dans mon cas, contrairement au tien, il y avait aussi un malaise physique. Je n'ai jamais su composer avec mon physique de femme quoi qu’avoir une mère très rigoriste sur ce que doit être "la féminité" et "prendre soin de soi" n'a pas du aider à m'accepter car à l'adolescence, j'ai eu beaucoup de prescriptions du type "il va falloir t'épiler maintenant", "tu ne prends pas soin de toi", "tu te laisses vraiment aller", "pourquoi tu ne mets pas de soutien-gorge? C'est ridicule".

Et j'ai très mal vécu ce type de prescriptions. Aurai-je pu vivre mon ambivalence sans modifier mon corps et mon identité civile si j'avais vécu dans une communauté hippie où tout le monde se fout des codes masculin/féminin et des signes extérieurs par exemple? C'est une question que je me pose. Parfois ce genre de questions au conditionnel me hantent. Je fais partie des rares personnes qui ne peuvent s'empêcher de s'interroger sur l'origine des choses.

J'ai donc entamé (il y a plus de dix ans maintenant) une transition dite "binaire" (c'est-à-dire tout faire pour vivre uniquement sous une identité masculine jusqu'au changement d'état civil que j'ai obtenu en 2012) et ça a effectivement rétabli l'équilibre même si au jour d'aujourd'hui, je veux absolument faire l'opération finale génitale pour avoir un sexe masculin car je ne supporte plus d'avoir un sexe féminin, je me sens vraiment carencé et même honteux, ça devient une obsession (j'ai fait un topic fin 2017 ici à ce sujet).
J'espère vraiment avoir le courage de faire cette opération dans les prochaines années pour tenter d'être enfin complet (je sais que ça peut aussi mal se passer).

Au cours de ces dix années, je me suis peu à peu trouvé (paradoxalement en me perdant, en vivant dans l'errance) : comme je l'ai dit, je suis un homme assez androgyne de manière naturelle car j'ai un visage très fin avec un regard très doux (mais on me dit quand même beaucoup plus souvent Monsieur que Mademoiselle) avec beaucoup de côtés que la société considérerait comme féminin (l'hypersensibilité, le goût pour la littérature et l'art et l'introspection) et pourtant il est clair pour moi que je me pense comme "il" et non comme "elle". En même temps, je trouve vain de tout faire pour être reconnu comme un homme parce que ça devrait être naturel (c'est là l'immense injustice de la condition transsexuelle ; devoir prouver quelque chose qu'on a pas à prouver mais le temps aide à apaiser cette injustice).

Tout ça pour dire qu'on peut se sentir ambivalent (que l'ambivalence soit choisie ou subie d'ailleurs), porter en soi une ambivalence et ressentir pourtant la nécessité de faire une transition complète.

Zoozz
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par Zoozz » 23 févr. 2019 21:17

Alors je pense que oui, la dysphorie de genre est nécessaire pour être trans parce que si on n'est pas dysphorique je sais pas pourquoi on transitionnerait. C'est tellement lourd la transidentité que je pense pas que sans aucun dysphorie on ait envie de traverser tout ça. Mais je pense aussi qu'elle est difficile à identifier au début, notamment quand on est en questionnement et qu'on a vécu toute sa vie avec une douleur concernant son identité de genre mais une douleur inavouée. Tu n'est pas obligée d'être dysphorie de tout (sexe, poitrine, forme du corps, voix, identité sociale), mais en général on comprend qu'on est trans quand on souffre d'au moins un aspect de la dysphorie. Je suis pas médecin mais on dirait que tu as de la dysphorie sociale car tu ne veux pas être vu comme un homme et que cette identité de fait du mal, et que tu aimerais être vue comme une femme au moins pour essayer. Du coup je pense que tu es trans, mais c'est à toi de savoir avant tout, personne peut vraiment le dire à ta place. Tu n'est pas obligé de tout de suite savoir si tu est MTF ou agenre ou non-binaire ou autre. L'essentiel c'est que tu arrives à localiser tes souffrances et voir ce que tu peux faire immédiatement pour te soulager un peu de la douleur. Est-ce-que tu veux utiliser d'autres pronoms ? T'habiller différemment ? Essayer un autre prénom sur internet par exemple ? Faire pousser tes cheveux ? Mettre une culotte qui fait des fesses ou essayer un soutien-gorge ? Y'a mille manières de vivre son identité de genre et tu n'es pas obligée de tout faire, une transition se fait sur mesure :) De même la féminité n'est pas unique, tu peux être une femme masculine, une femme féminine, une femme qui se maquille ou non, qui porte des jupes ou non y'a aucune obligation
Avez-vous souffert de dissociation et de dépersonnalisation avant de vous rendre compte de votre transidentité ? Oui, absolument, ça m'arrive quand je suis très dysphorique mais aussi quand je suis très dépressif
Avez-vous souffert de dépression ? l'histoire de ma vie lol.
Est-il arrivé à certaines personnes transgenres d'être énormément déconnecté et ailleurs ? Est-ce que ça vous est arrivé d'être fatigué mentalement et psychologiquement sans savoir pourquoi ? : c'est la dépression qui fait ça, et la dépression est parfois liée à la dysphorie effectivement. Moi c'est arrivé en tout cas mais surtout à mon coming out à mes parents plus qu'à la période où je me questionnais disons.
Hésites pas si t'as d'autres questions Après je parle pas pour la communauté en entier je suis juste une chips face à la vie parfois

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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par PauSG » 23 févr. 2019 22:50

Zoozz, je me sens obligé de répondre à ton post. Tu es bien sur libre de penser ce que tu veux, mais la dysphorie n'est pas nécessaire pour être trans.

Il y a des personnes trans qui ne ressentent aucune dysphorie, et qui ne sont pas en souffrance. Il ne faut pas nier leur expérience ou véhiculer l'idée que sans souffrance une personne n'est pas vraiment trans. C'est ce qu'on fait les psys depuis des années, et on voit bien le résultat.
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par couss » 24 févr. 2019 19:48

La dysphorie n'est pas que physique, elle peut être sociale. Elle n'est pas forcément violente (après ça dépend de la définition qu'on donne) mais elle implique une forme de mal être pas toujours visible au premier abord (ex une table bancale, qui ne se casse pas la figure mais qui n'est pas droite non plus). Pour moi, mais PauSG si tu n'es pas d'accord, je veux bien ta définition pour voir si on parle de la même chose, la dysphorie c'est se sentir en décalage avec l'image que la société a de nous en raison de notre genre assigné. Ça peut donc être juste le fait de ne pas se sentir femme ou homme. En revanche, pour moi il faut faire la différence avec le gender fucking tel qu'il est mis en avant par certaines personnes. Oui il faut stopper les stéréotypes de genre et une femme qui a de la barbe parce qu'elle n'arrive pas à se voir dans la glace et où les gens lui disent qu'elle ne ressemble pas à une femme trans c'est hyper violent. En revanche, la personne qui porte une jupe et de la barbe parce que pour elle c'est une façon de déranger et que c'est l'unique but recherché, pour moi c'est différent de la transidentité.
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par Dag » 25 févr. 2019 00:06

Ma compréhension du sujet est très proche de l'explication de couss (géométrie très variable de la dysphorie et par conséquent des formes de transition), donc cette définition m'intéresse également.

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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par PauSG » 25 févr. 2019 11:42

Couss je suis d'accord avec toi, la dysphorie peut ne pas du tout être en lien avec son propre corps, mais uniquement au regard des autres, à ce que la société nous renvoie.

Ce qui m'embête c'est que ce terme de dysphorie est utilisé un peu à toutes les sauces, et entretient cette idée qu'une personne trans est forcément en souffrance.
Personnellement je pense que si la société devenait moins transphobe, il y aurait beaucoup moins de souffrance associée au fait d'être trans.
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par couss » 25 févr. 2019 15:42

Le terme dysphorie est l'inverse d'euphorie, en soit on parle plus d'un malaise, d'un inconfort. Je l'associe beaucoup au décalage. Perso même si une transition a pour objectif de récupérer un certain confort, je n'aime pas trop le terme d'euphorie de genre car je vois des gens y mettre tout et rien, un gars qui aime porter des jupes mais ne se sent pas femme n'est pas comparable à une femme trans. Ça ne veut pas dire que c'est moins bien et que les deux personnes ne peuvent pas avoir des exigences similaires (ex : le droit de ne pas se sentir en insécurité dans la rue) mais les deux vécus ne sont pas comparables et ça peut même être vu comme offensant pour la personne trans qui a l'impression que son identité est vu comme un jeu.
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par Dag » 25 févr. 2019 20:47

Pour moi, la dysphorie est ce sentiment de malaise (qui peut aller jusqu'à la souffrance) qui fait la différence entre la transidentité et la non-conformité aux stéréotypes d'expression de genre, quels qu'ils soient (vestimentaires, comportementaux, verbaux...). Les deux coexistent et ne devraient en effet pas faire l'objet de jugements de valeur absurdes. Certaines personnes vont faire l'expérience de l'un des deux uniquement ou des deux à la fois. La limite n'est pas forcément facile à distinguer.

Je rejoins l'idée qu'une société moins transphobe/moins focalisée sur des stéréotypes d'expression de genre serait bénéfique à tous...

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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par couss » 25 févr. 2019 22:10

Tu as parfaitement résumé ma pensée Dag !
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront.
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Re: Questionnement sur l'identité / "Symptomes" découlant d'un mal-être

Message par Max804 » 27 févr. 2019 19:32

Que ce soit dysphorie ou euphorie, on peut y trouver / mettre tout et rien selon moi...
Mais il me semble important de relativiser le poids de la dysphorie - ou plutôt d'une certaine image que l'on peut s'en faire (pendant longtemps j'ai cru que je n'étais pas concerné par la transidentité parce que j'avais une définition de la dysphorie qui me laissait croire que je n'étais pas dysphorique...) et il me semble important de ne pas réduire l'euphorie de genre à des pratiques de genderfucking qui effectivement se distinguent du vécu trans mais je ne trouve pas complètement inutile le terme euphorie de genre pour décrire la "joie" d'être correctement perçu / désigné etc; euphorie que l'on peut éventuellement, selon moi (mon expérience), ressentir lors des tests de changement de pronoms / prénom suggérés plus haut dans les échanges avec QueerQueer...

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