Communication plus que compliquée

[MuteFairy]

Bonjour.
Je suis transgenre, j'ai 14 ans et le c.o que je veux faire à ma famille est bien parti pour être carrément compliqué...
J'explique : dans ma vie, j'ai eu, disons un beau paquet de problèmes dont je n'ai pas forcément envie de parler, mais bref... Comme ça a commencé quand j'étais assez jeune, je n'ai pas eu le réflexe d'en parler, et quand les problèmes se sont accumulés, j'étais déjà bloqué. Je n'ai jamais eu de suivi psy (alors que quelque chose me dit que ça n'aurait pas pu me faire de mal ). Je me suis rendu compte de ma transidentité il y a à peu près 9 mois, et j'ai fait mon c.o à quelques amies, mais je n'arrive pas à parler à mes parents. C'est une mauvaise habitude que j'ai prise, de garder les problèmes pour moi, mais là maintenant, ça me retombe dessus.

J'ai passé la première semaine des vacances de février chez mon grand frère à Grenoble, et je voulais le lui dire, parce qu'on s'est pas mal rapprochés ces derniers temps et je sais qu'il est ouvert d'esprit, mais je n'ai pas réussi . Et donc dimanche, j'ai eu l'échange suivant avec une pote :
elle : tu lui as dit ?
moi : non.
elle : tkt tu vas y arriver un jour
moi : mais c'est quand, un jour, p*tn !? Si c'est dans 4 ans, génial !
elle : ...

Oui, j'ai été agressif, et je m'en veux un peu de l'avoir cassée comme ça alors qu'elle voulait juste me réconforter.
Mais par contre je n'en peux vraiment plus de ce silence, qui es installé depuis tellement longtemps ! Je n'arrête pas de procrastiner (remettre les choses au lendemain) et je finis par me détester de faire ça. Je voudrais prendre un nouveau départ en entrant au lycée en septembre prochain, mais rien n'est garanti que les choses soient faites d'ici là, et j'ai de plus en plus peur que rien ne bouge jamais.
Je ne me suis jamais autorisé à dire à mes parents que je ne vais pas bien, ils ne savent pas que je suis insomniaque, ni que je passe mon temps à stresser pour toutes les raisons qui se présentent. J'ai donné le change pendant presque 5 ans en encaissant chaque nouvelle charge mais je n'en peux plus de porter un masque... Et pourtant je n'arrive pas à crever l'abcès.

Je ne sais vraiment pas comment faire pour me sortir de là, d'autant que mon père est plus ou moins transphobe, mes grands parents assez coincés, et mon autre grand frère très moyennement ouvert. Quelqu'un a une idée ?

[Anonyme]

Hello, il faut voir ce que tu entends par un père « plus ou moins transphobe ». Sans parler du fait qu’étant mineur tu auras besoin de l’accord parental, si l’environnement n’est pas sûr est-ce que c’est le bon moment ? Pense à ta sécurité (j’ai moi-même patienté longtemps pcq partie de la famille transphobe +++). Est-ce que c’est un a priori, ou tu l’as déjà entendu aborder la transidentité de façon négative ?

[John]

Hello!

Tu parles de beaucoup de choses au passé de façon définitive. "J'étais bloqué" , "ça aurait pas pu me faire de mal" "je ne me suis jamais autorisé à...".
Rien n'est jamais définitif, et il n'est jamais trop tard. Alors certes, plus le temps passe et plus c'est difficile, plus on se dit qu'on a raté le "bon" moment, mais ce n'est jamais ni impossible, ni irréversible. Pour débloquer la situation, il faudrait peut-être que tu trouves une première personne à qui en parler. Pas un pair (frère, soeur, ami·e) mais quelqu'un qui représente l'autorité, d'une certaine façon. Moi j'ai fait mon CO petit à petit à plus de 30 ans, et c'est en prenant un rdv psy que ça a fini par débloquer ma parole.

Je vais mettre les pieds dans le plat et être le gros relou qui te ramène à ton âge, mais vraiment à 14 ans il te reste encore énormément à construire, à découvrir sur toi et sur le monde, et tu vas constater que rien n'est jamais fixe et que tout évolue.

Concernant le fait de parler à tes parents, et ce quel que soit le problème, si tu n'y arrives pas ou que tu ne peux pas car ils ne sont pas safe, il y a beaucoup d'autres interlocuteurs que tu pourrais trouver. Quelqu'un de ton établissement scolaire par exemple (prof, AED, cpe, assistante sociale, infirmière...) ou quelqu'un à l'extérieur comme au planning familial par exemple.

[MuteFairy]

Je suis effectivement allé au planning familial deux fois, et depuis très peu de temps l'infirmier scolaire est aussi au courant, donc j'ai pu voir le bien que ça faisait de parler. Cela dit ça ne m'aide pas à parler à mes parents ne serait-ce que pour leur signifier que je ne vais pas bien pour des raisons et d'autres, sans aller jusqu'à leur faire mon c.o.
Je crois que pas mal de gens dont j'ai pu voir des posts sont majeurs, voire même ont plus de trente ans, c'est sûr que moi par rapport à ça je suis un gamin, même si j'ai l'impression d'avoir déjà vécu toute une vie. Si la seule chose à faire là maintenant c'est d'attendre un peu, pourquoi pas après tout, hein... Mais ça reste très frustrant.

[John]

Faut voir: qu'est ce qui te bloque vis à vis de tes parents ? La peur de les décevoir ? L'impression que tes problèmes sont "pas assez importants" ? (Je prends ces exemples parce que c'est ce que je ressentais moi vis à vis de mon mal-être quand je vivais encore chez ma mère).
J'ai jamais trop pu avoir de discussions sérieuses/difficiles avec mes parents, pas avant l'âge adulte en tout cas. Y'a plein de choses que ma mère ne sait pas et ne saura jamais, et c'est seulement parce que ça lui ferait de la peine et que j'ai pu me construire sans. Et pourtant on est hyper proches.

Je ne sais pas si ça peut t'aider mais ce qui a fonctionné un peu pour moi, c'est d'être fidèle à moi même. Au lycée (mais même avant), j'ai commencé à vraiment m'habiller avec les vêtements qui me plaisaient et appris à refuser ceux qui ne me plaisaient pas, j'ai enfin coupé mes cheveux (j'avais jamais coupé mes cheveux, ils étaient assez longs pour que je m'asseye dessus). Ça a dû se faire en plusieurs fois parce que même les coiffeuses que j'ai été voir voulaient pas me faire du court, mais j'ai fini par y arriver. Mon groupe d'amis du lycée m'ont donné un surnom neutre que j'ai par la suite utilisé de façon exclusive (au point où même ma mère et mon beau père ont fini par l'utiliser), et tout ça alors que je savais même pas encore que j'étais pas une meuf cis. Bref donc ça s'est fait petit à petit, en essayant de suivre au mieux mes envies.

[MuteFairy]

Je ne sais pas exactement ce qui me bloque, j'imagine que ça a plusieurs causes mais parmi elles, une tendance à vouloir tout gérer seul, même quand je sais que je ferais mieux d'en parler.

[アレクサンドル]

Bonjour MuteFairy,

La première chose que j'ai envie de te dire, c'est "ne te sens pas coupable de la situation dans laquelle tu es". Je ne sais pas comment sont les gens de ta famille, mais si tu n'as jamais pris l'habitude de communiquer avec eux et si tu as grandi entouré de personnes qui, elles-mêmes, ont tendance à garder pour elles ce qu'elles ressentent, c'est tout à fait normal de ne pas réussir à se lancer. Moi non plus, la communication avec mes proches, c'est pas trop ça... J'ai 23 ans et il m'a fallu dix ans pour faire ce satané coming out, l'année dernière. Au début, je m'en voulais beaucoup d'être resté coincé aussi longtemps et ça me rendait malade de voir plein de mecs commencer la testo à peine soufflées les bougies de leur 18 ans. J'avais l'impression d'être un lâche et un incapable à côté d'eux. Avec le recul, je me rends compte que ce temps m'a été très bénéfique pour transitionner dans les meilleures conditions.

Je n'ai jamais voulu en parler avant d'être majeur, parce que je ne voulais pas risquer d'être dépendant des choix des adultes qui auraient peut-être jugé que j'étais "trop jeune pour savoir". Alors, comme toi, je me suis enfermé dans le silence et ça a été très dur de briser la carapace. Et puis, un jour, le moment est venu. Je ne l'avais pas du tout prévu. J'ai pris une sorte de claque qui m'a précipité tout au fond de moi-même (un truc vraiment pas grave, mais qui m'a touché là où ça faisait le plus mal) et, quand j'ai remonté la pente, une première muraille était tombée. Malgré tout, ça n'a pas été facile. J'ai dû faire un immense travail sur moi-même pour accepter l'idée que je ne pouvais pas laisser les croyances des autres, leurs attentes, leurs perceptions, leurs psychodrames dicter mon existence. Pour moi, 2022 a été une année épuisante sur le plan émotionnel.

Je ne te raconte pas tout ça pour que tu repousses ton coming out (bien sûr, je suis obligé de te mettre en garde : si tu sais déjà que ta famille va mal le prendre et te mener la vie dure, il vaut mieux attendre d'avoir un peu plus de stabilité). Mon but, c'est plutôt que tu saches que c'est ok de galérer et que c'est important de prendre soin de soi dans ces moments. Sortir de son placard, c'est moins une question de stratégie qu'un chemin intérieur. Moi aussi, à ton âge, je me disais parfois que je n'aurais jamais le courage de parler et que j'allais rester malheureux toute ma vie. Aujourd'hui, je suis en train de réaliser mon rêve. Je ne sais pas vraiment quels conseils te donner, concrètement. J'aimerais pouvoir te rassurer en te disant que tu peux procéder de telle manière, que ça va prendre tant de temps et que ça va entraîner tels changements, mais on a tous des familles et des parcours différents. Pour ma part, j'ai la chance d'avoir une amie exceptionnelle qui m'avait promis de me donner un coup de pied au cul si besoin et c'est elle qui a donné ma première lettre de coming out à ma famille. Je ne sais pas comment ça se passera pour toi, mais je suis sûr que tu vas y arriver.

[MuteFairy]

Merci アレクサンドル pour ta réponse. 10 ans, de fait, c'est long mais au moins c'est fait, donc je suis content pour toi. ça me fait plaisir d'avoir le témoignage de quelqu'un qui s'est retrouvé en gros dans la même situation que moi et qui s'en est sorti, surtout que d'après ton message, tu t'es aperçu de ta transidentité aux alentours des 12 ans, autrement dit un peu plus jeune que moi, là où pas mal de gens sur ce forum sont plus âgés et ont plus d'indépendance que moi. Je ne sais pas quelle est l'expérience de chacun.e ici mais toi tu vois ce que c'est d'être mineur et coincé dans le placard. Même si bien sûr on peut avoir différentes manières de le vivre et différentes solutions pour s'en sortir, c'est cool d'avoir partagé.
Au fait, merci aussi à j3r3mix et John pour m'avoir répondu ! Même si j'imagine qu'il n'y avait pas trop de risques, j'avais un peu peur de juste me prendre un gros vent avec mon premier post. Je ne suis pas un pro des réseaux sociaux et autres trucs numériques mais quand j'ai vu le nombre de messages dans "sujets sans réponse" j'ai un peu paniqué.

[Anonyme]

Tu sais, un sujet sans réponse ce n’est pas forcément un vent, mais qu’on ne veut pas dire de bêtises (perso j’ai pas la prétention d’avoir réponse à tout)

[Shay]

Hey

Personnellement, je ne suis pas dans la même situation voir pas du tout
Et même si je peux comprendre que ce soit difficile à gérer (notamment parce que tu n'as pas la liberté totale de faire ce que tu veux).
Je pense que d'une certaine façon, c'est une chance.
Tu as réalisé plus tôt ce que tu voulais (et ce que tu veux) ou tout du moins vers quoi tu désire aller.
(Si tu veux un ordre d'idées, j'étais dans un environnement suffisamment pas sain dans mon enfance pour que ce genre de chose ne me viennent pas à l'esprit même si je pense que ça aurait été pire dans le cas contraire cela dit : j'avais juste les réflexions du type "tain, ça aurait été mieux de naître mâle" mais je connaissais pas ou très mal la transidentité donc bon, c'était des réflexions utopistes. Jusqu'à ce que je crois être genderfluid aux environs de mes 17-18 ans sans en parler ni faire quoique ce soit, puis penser être non binaire. Puis enfin homme il y a 2-3 ans après une discussion avec un pote où j'ai réalisé que, ben, je me cherchais des excuses pour dire je veux qu'on me voit comme un homme mais j'assume pas.
Bref 24 ans au compteur, je dois encore me out auprès de ma grand mère et j'ai rien commencé si ce n'est la dénomination il et vite fait mes vêtements. (Parce que mes cheveux longs je les garde point).
Je t'envie presque xD)

Bien sûr, tu vas devoir t'armer de patience ou être bien entouré si tu veux faire bouger les choses (comme la plupart des trans quelque soit l'âge en fin de compte ) mais si tu sens que c'est la bonne chose à faire au fond de toi, tu ne tromperas pas.

Concernant la famille, ça reste effectivement flou.
Tu as déjà glissé des questions ouvertes sur le sujet pour voir leur réaction ? Du genre, tu balance un reportage lgbt, une funfact, ou que sais-je et tu ouvres le sujet avant d'embrayer sur des questions du type "si quelqu'un faisait ça autour de toi" (parce que poser cette question direct sans rapport est pas discret)

Ps : sinon ya aussi la maison des adolescents si tu veux te confier à des gens : ils ont des psy il me semble (je suis pas sûr pour le planning familial bien que tu puisses toujours te renseigner aussi).
+ t'as la cmp pour le psy gratos (mais c'est long)