Me revoici donc pour raconter la suite, notamment le déroulement de l'audience
J'étais assez stressé quand j'ai reçu la convocation, j'avais besoin de savoir comment ça allait se passer en détails, je n'ai pas eu de succès quand j'ai demandé en ligne des descriptions, mais heureusement je suis allé à une permanence de l'asso Chrysalide et j'ai pu avoir des explications super précises !
Ce que j'ai appris notamment, et qui me parait particulièrement important, c'est que tout le monde est convoqué à la même heure (14h pour moi), et qu'ensuite ils font passer les gens à la suite. On peut donc être convoqué.e à 14h et sortir à 18h du tribunal... Heureusement que j'avais pris ma demie-journée ! Au début je pensais innocemment que je serais sorti en 30 minutes, vu que l'audience en elle-même est censée durer 10 minutes tout au plus.
(Attention, tout ce que je dis concerne le tribunal de Lyon et ça peut être très différent dans d'autres villes j'imagine).
J'ai aussi appris que les personnes avec avocat passent en premier, puis les personnes sans avocat, en général par ordre alphabétique. Oh, et les personnes convoquées peuvent l'être pour des motifs très variés, donc autant CEC qu'adoption, etc etc.
Je suis arrivé à 13h45, j'ai montré ma convocation et on m'a laissé entrer et trouver la salle tout seul, plus ou moins. Je me demandais avant d'entrer s'il y aurait un peu du faste de la justice dans le bâtiment, mais pas du tout, c'est un bâtiment administratif un peu usé et avec des tags sur les fauteuils en faux cuir, comme partout

Il y a juste beaucoup de salles, de couloirs, de numéro et de lettres partout, donc un peu confusant au début.
Étonnamment, je n'étais pas si stressé que ça, contrairement à ce que je pensais au début. J'étais juste mal à l'aise à l'idée de devoir justifier de ma transidentité devant un panel de personnes cis, qui n'y connaissent rien et qui ont tout pouvoir sur mon avenir sur ce plan là

J'avais fait l'effort de mettre des vêtements un peu "propres", mais je l'ai un peu regretté parce que je me sentais assez mal à l'aise et surtout dysphorique, pourtant j'avais essayé de prendre des vêtements que j'aime bien tout de même mais l'ensemble ne me convenait pas...
Quand je suis arrivé devant la salle, nous étions une petite dizaine en comptant les avocats. Encore une fois j'ai été surpris par le manque de formalisme de l'ensemble, les avocats arrivaient et sortaient leur robe toute froissée roulée en boule dans leur sac, une avocate avait même une énorme déchirure dans sa robe

Et la personne chargée de gérer les entrées avaient des Converse motif léopard sous sa robe. Je dis que ça m'a surpris mais ce n'est pas négatif, je déteste ce genre de conventions sociales et j'ai été soulagé de voir qu'on n'en était plus à l'époque des perruques poudrées. Je préfère que l'institution évolue vers plus de Converses léopard que moins
Une avocate nous a expliqué que normalement, tout le monde entre au début, ils décident quels dossiers vont être retenus ce jour-là (je pense que ça ne concerne pas les dossiers de CEC, mais par exemple une affaire d'adoption a été ajournée pour cette audience en raison d'évolutions du dossier). Puis tout le monde ressort, et ils font passer les cas un par un.
Au final, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Tous les avocats sont entrés, mais j'ai l'impression que c'était plus de l'incruste qu'autre chose (ce qui fait partie de leur métier, en soit), et ils essayaient de faire passer leur dossier pendant l'audience, d'avoir le droit de plaider, etc etc. D'ailleurs certains avocats (ou même des magistrats ?) sont arrivés 15 minutes voire 20 minutes après le début supposé de l'audience et ils sont entrés directement quand même, ça fait partie du jeu j'imagine.
Les discussions ont duré un peu longtemps à cause des fameux revirements dans l'affaire d'adoption dont je parlais plus haut. Une avocate est ressortie très frustrée, elle nous a dit que les magistrats voulaient expédier les dossiers de l'après-midi et qu'ils refusaient d'entendre les plaidoiries des avocats, ils voulaient juger sur dossier ou ajourner. Apparemment c'est de plus en plus fréquent, enfin selon cette avocate. J'ai eu peur qu'on m'ait fait déplacer pour rien, j'avais quand même pris une demi-journée pour ça

Et puis quelques instants après, quelques avocates sont ressorties, et juste après on a appelé mon nom. J'ai donc eu de la chance puisque je suis passé à 15h pour une convocation à 14h, ce qui somme toute m'a paru raisonnable vu ce que j'avais entendu comme témoignages.
La salle était assez petite, la taille d'une petite salle de classe voire moins. Il y avait des sièges pour un "public" mais ce genre d'audience se fait à huis clos. Il y avait tout de même, du côté "juré", une petite dizaine de magistrats + greffière etc (je sais que ce n'est pas un juré mais je ne sais pas comment les désigner autrement). En tant que requérant, on doit se placer à la barre, donc debout derrière un petit pupitre. C'est perturbant de ne pas pouvoir regarder tout le monde depuis cette position d'ailleurs, certaines personnes sont vraiment sur les côtés par rapport à nous (encore une fois, ça dépend des salles j'imagine bien sûr).
La personne qui parlait (je ne connais pas son rôle, et je crois que ce n'était pas la magistrate) a vérifié mon nom et mes prénoms, et que j'étais bien né "de sexe féminin sous les prénoms ... ..." (bien la peine d'avoir changé de prénom avant le CEC

). D'ailleurs ça me fait penser que dans tout le processus, on n'a pas demandé ma carte d'identité une seule fois. Elle a résumé très brièvement mon parcours et m'a demandé de leur retracer ma transition et "pourquoi j'étais ici aujourd'hui". Bon, encore une fois, personnellement ça m'horripile ce genre de processus, de devoir étaler ma vie ainsi et me justifier pour qu'ils "m'accordent" un CEC, je trouve ça humiliant et évidemment transphobe par essence, bref.
Je m'attendais à cette question mais j'ai trouvé ça quand même déstabilisant de devoir se lancer comme ça, et retracer tout son parcours sans pouvoir s'appuyer sur des questions ou quoi. J'ai parlé de ma prise de conscience, mes coming-outs, mon parcours médical (comme je le disais précédemment, c'est important pour moi comme jalons de ma transition mais j'aurais préféré ne pas leur en parler par esprit de contradiction

). J'ai aussi dit que maintenant j'étais reconnu comme homme partout, que mon CEC était important pour moi notamment pour trouver du travail bientôt, en plus bien sûr du préjudice moral d'avoir un F sur mes papiers.
On m'a posé des questions uniquement d'ordre médical ou presque : une remarque sur le fait que j'avais commencé ma transition hormonale récemment (en février), ce que j'ai confirmé, je me suis aussi justifié sur le fait d'avoir commencé par la mammectomie ; une question sur la "suite prévue de mon parcours médical". J'ai dû visiblement froncer du nez même derrière mon masque en répondant que je n'avais rien prévu de plus, car la personne qui me posait les questions m'a dit que ce n'était "rien d'obligatoire" (alors pourquoi poser la question ? quelle pertinence pour cette démarche de CEC puisque justement on s'en fout ?).
On m'a aussi posé une question sur mon parcours professionnel, la personne avait l'air contente que j'ai le même poste depuis 3 ans et demi, preuve d'une "stabilité professionnelle". Encore une fois, je n'ai absolument pas vu la pertinence de ce genre de questions par rapport à une demande de CEC. Au contraire, si j'avais une instabilité pro à cause de papiers non à jour, est-ce que ça ne devrait pas être une parfaite raison pour m'accorder un CEC ? Bref, encore une absurdité.
Dès le début de mon audience, on m'avait signifié que mon dossier était "très complet et très clair", et bien ordonné. Après mon explication de parcours et les questions, la femme qui parlait s'est tournée vers une autre femme qui était, si j'ai bien compris, la magistrate. Elle a indiqué qu'elle avait donné un avis favorable au dossier à la première lecture en septembre, et qu'elle le maintenant (elle avait l'air, en toute honnêteté, de s'en battre les reins). J'étais assez soulagé, surtout que j'avais été mis mal à l'aise par tout l'exercice de l'audience et des questions etc. Ensuite, mon interlocutrice principale m'a dit qu'il y avait donc à priori un avis favorable, et elle m'a demandé si c'était une urgence pour moi. J'ai répondu que c'était une urgence à mes yeux comme ce l'était sans doute aux yeux de chacun, et que comme je l'avais expliqué, avec ma recherche de stage et d'emploi en cours, ce l'était d'autant plus car j'avais peur de discriminations. Elle a demandé si j'en avais besoin "avant fin 2020" (...en fait j'en ai besoin le plus vite possible, comme tout le monde ?), je les ai flatté en disant que c'était "absolument parfait" si c'était possible. Oui, j'ai un don pour brosser les administrations dans le sens du poil, et avoir l'air présentable et bon élève
Bref, la décision a été fixée au 9 décembre, si tout se passe bien, ce qui constitue donc un délai particulièrement court dans ce tribunal.
Encore une fois, la démarche me parait absurde, la décision était clairement prise sur place, pourquoi la décaler officiellement à plusieurs semaines après ? Mais peut-être que ça s'explique dans d'autres dossiers, du moins j'espère.
Une fois que la décision sera officielle, il y aura un délai de 15 jours de contestation, puis elle sera définitive (ce qui ferait un CEC officiel et définitif au 24 décembre, c'est quand même beau !

)
Ensuite, il y aura encore un délai pour la transmission à la mairie, puis un autre pour la mise à jour de mon acte de naissance, puis pour le recevoir, puis le rdv pour faire la carte, etc etc. Je reviendrai détailler tout ça ici ! Bonne journée à tous et comme d'habitude, n'hésitez pas si vous avez la moindre question.