Je viens vers vous car je suis un peu démuni vis à vis de l'évolution de ma relation avec mon père vis à vis de ma transition et après une conversation au téléphone assez douloureuse et difficile avec lui dernièrement, je m'interroge sur la façon dont je pourrais communiquer pour l'aider à faire la part des choses et accepter ma transition.
Pour présenter la situation, j'ai la trentaine passée, donc je ne suis plus du tout dépendant de mes parents depuis un paquet de temps, et je les vois d'ailleurs que rarement car ils habitent l'un et l'autre loin de chez moi (mes parents sont divorcés). J'ai un passif familial extrêmement compliqué, mais j'ai été pendant longtemps très proche de mon père. Le hic, c'est que mon père a toujours voulu une petite fille, à tel point qu'il a refusé de chercher un prénom dans le cas où je serai né garçon, et j'ai eu le droit à tout le package "petite princesse" de ma naissance jusqu'à ce que je sois en âge d'envoyer balader les gens à propos de mes tenues.Petit trigger warning sur ce post
Je vais citer une personne qui n'est pas en accord du tout avec ma transition et employer ses termes pour que vous puissiez comprendre la situation, qui peuvent être potentiellement blessants à lire. Si jamais vous êtes sensible avec ça, je préfère prévenir que vous n'ayez pas à lire ça malgré vous.
Cela fait 4 ans environ que j'ai réalisé ma transidentité, et ça a été un parcours compliqué d'aller jusqu'à l'acceptation et la décision de prendre un traitement masculinisant. Pendant ce laps de temps, je savais, au fond, que c'est vers cette décision que j'irai et j'en ai parlé à de multiples reprises avec mes deux parents. Mais quand ça a commencé à devenir très concret, la communication est devenue très compliqué avec mon père.
Dans sa tête, je "vais" changer de genre et "devenir" un garçon. Je ne sais pas comment lui retirer cette représentation de la tête, d'autant que je suis non-binaire, mais j'ai conscience que le concept est encore plus difficile à intégrer. Comme mon prénom est masculin et que je préfère les pronoms masculins de toute façon, je préfère éviter de "pinailler".
Depuis que j'ai fait mon Coming Out général et que j'ai annoncé le début de mon traitement, il y a trois mois, ainsi que mon nouveau prénom, il est devenu très distant et les rares fois où nous nous contactons (toujours de mon initiative), on parle de la pluie et du beau temps, mais le sujet est tabou.
Jusqu'à il y a quelques jours où nous avons enfin eu une conversation sérieuse à propos de ma transition.
Il a admis être devenu distant, et m'a expliqué qu'il ne voulait pas aborder le sujet car c'était trop difficile pour lui, qu'il avait besoin de le digérer. Il m'a confié avoir le sentiment de "perdre sa fille" et de trouver cela "terrible". Qu'il n'est pas bien du tout, dort mal, fait du psoriasis en réaction, qu'il trouve cette décision irrationnelle et qu'il ne la comprend pas, que ça le rend malheureux.
D'un autre côté, il admet sans aucun problème que tout cela fait partie de ma vie, que c'est de moi et de moi seul qu'il s'agit, que mes décisions m'appartiennent et qu'il n'a pas à tenter de m'empêcher de faire quoique ce soit. Il regrette, et il l'a dit à plusieurs reprises, de ne pas être assez ouvert, de ne pas réussir à comprendre. Il dit vouloir prendre le temps de digérer ça seul et de comprendre pourquoi ça le blesse autant.
Mais voilà , même si je souhaite lui faire confiance et lui laisser le temps, je pense que le fait que nous nous voyions si peu, qu'il ne puisse pas suivre les changements et surtout la façon dont je m'épanouis après une longue et douloureuse traversée du désert, ne l'aide certainement pas à aller de l'avant et à voir du positif. J'ai le sentiment qu'il stagne dans ce rejet après avoir fait l'autruche aussi longtemps que possible et j'ai très peur que cela finisse par briser notre relation. D'autant qu'il ma parlé de sa "volonté à passer le reste de ses jours heureux" et qu'en ce moment, je le rendais malheureux. Cela sonnait comme un désir de prendre de la distance à long terme, ou donnait en tout cas cette impression. C'est quelque chose que je regretterai infiniment car je sens qu'il peut finir par comprendre et accepter, mais qu'il a certainement besoin des bons mots et d'assez de temps.
En attendant, c'est très douloureux pour moi de l'entendre persister à m'appeler "ma fille" à me dire "tu es une femme comme ceci ou comme cela" quand il parle de moi, et de le voir refuser à faire le moindre effort pour utiliser mon nouveau prénom.
C'est pourquoi je fais appel à vos lumières et à votre expérience.
Je me suis dit que je pourrai lui écrire, il y avait déjà un moment de cela, mais je n'étais jamais arrivé au bout de la lettre. Je songe aussi à lui offrir un livre adapté expliquant la transidentité de façon simple et non dramatisante, et je serais ravi de recevoir vos conseils de lecture si vous en avez. Cela dit, j'ai encore une fois peur que ça finisse caché dans un coin et qu'il se refuse à l'ouvrir par rejet ou peur.
Par ailleurs, si vous avez vécu une situation semblable, j'aimerais beaucoup savoir comment vous l'avez gérée et comment ça s'est terminé ou comment ça a évolué.
Je vous remercie en tout cas de m'avoir lu !

Des bises !